Auguste Toulmouche et ses “poupées”
Considéré comme l’un des peintres phares du Second Empire, Auguste Toulmouche a su se faire un nom parmi les figures de la société. Malgré l’effacement progressif de son nom dans les mémoires, son travail peut toujours être aperçu dans les œuvres appréciées par les amateurs en quête de touche léchée.
Élève de Charles Gleyre, il a appris à peindre en se basant sur les canons académiques de son temps. Auguste nous donne à voir, comme le souligne Émile Zola, les « délicieuses poupées de Toulmouche ». La manière dont il dépose ses figures féminines est méticuleuse et ce qualificatif tend à vouloir leur donner l’aspect de mets délicats. Ainsi, il s’attèle à dépeindre des personnages réalisants des activités fugaces et anecdotiques du quotidien, à la manière de L’envoi des fleurs ou encore de Vanité. On retrouve bien des mères et des amantes mais le corpus thématique est restreint. Puis il y a la dame Dans la bibliothèque, le nez plongé dans l’univers fantasmé que peut lui offrir son ouvrage. Elle m’inspire. Et là, l’intérêt de l’œuvre ne se trouve plus directement dans l’action de cette femme anonyme, mais bien dans ce qu’elle représente.
Cette anonymisation du sujet nous facilite le sentiment d’inspiration qui peut découler des toiles. Aussi bien au travers du romantisme dont regorge Le baiser, ou bien par la plénitude et le calme qui peuvent se faire sentir au cours d’Un après-midi tranquille. Cela peut être toi ou bien nous, tout le monde peut s’y voir à un moment donné. Il semble même y avoir un rapport de dépendance de l’œuvre à son titre mais dans un sens presque unique. Au lieu de venir qualifier la toile et lui donner un sens, ce sont les peintures qui paraissent se plier au texte du cartel. Ces femmes sont alors presque perceptibles comme étant des manifestations tangibles des noms et non comme des êtres doués d’autonomie. En poussant plus loin, on peut même y voir une volonté d’objectifier le sujet.
La simplicité thématique a très certainement été bénéfique à Auguste, mais il est indéniable que la facture qu’il parvient à représenter est tout aussi prépondérante dans la considération de sa célébrité. La manière dont les tissus de soie sont peints est certes très visiblement soumise à la rigueur de la structure picturale académique mais la douceur qui leur est accordée est tout aussi évidente. Mon accointance pour son travail résulte très certainement de mon intérêt pour la structure forte mais délicate que pouvait avoir l’art académique. La légèreté de la robe de La fiancée hésitante, le souci du détail et de texture dans les plis de celle ayant Le regard admiratif… J’ai l’impression de voir des œuvres de l’artiste italien Vittorio Reggianini, La réponse notamment. Toulmouche ne l’a pas côtoyé mais de grandes similitudes se font sentir. Pourtant, il a été très proche d’un artiste au style diamétralement opposé : Claude Monet, son cousin par alliance. Aussi bien dans la facture que dans les sujets, aucune analogie n’est palpable.
Son style académique ne fût plus au centre de l’intérêt après la guerre franco-prussienne de 1870 et il en va de même pour les autres artistes de sa veine. Les regards se mirent à se focaliser sur les artistes novateurs tels que les impressionnistes notamment. L’heure de gloire passe alors du côté de son cousin.
Malgré l’influence notable du style néo-grec et plus tard de son changement de sujet pour se focaliser sur les portraits, la vraie renommée d’Auguste Toulmouche se fît grâce à ses scènes de genre parisiennes et rien d’autre. Elles lui valurent également la distinction de chevalier de la légion d’honneur, une consécration pour lui.
Image : Auguste Toulmouche, La fiancée hésitante, 1866.