Xavier Winterhalter, portraitiste d’une époque
Winterhalter su, au travers de son travail, laisser son empreinte de manière permanente sur l’histoire de l’art. Son nom ne résonne certes plus comme cela fût le cas autrefois, mais il est encore possible de croiser certaines de ses toiles dans les collections ou dans les ouvrages. Cependant, peu de gens peuvent encore se vanter de parvenir à dépeindre son personnage. En effet, il fait partie des nombreux artistes du XIXe siècle que la société a effacé des mémoires. Au XXIe siècle, l’historien de l’art Bruno Foucart dira de lui : « On ne sait pratiquement rien de cet Allemand que toutes les cours d’Europe sollicitèrent. »
Peu de choses sont connues sur sa vie privée. Celle-ci ne se limitait certainement pas à son art et pourtant, c’est tout ce que l’humanité semble avoir retenu de lui. Il est né en 1805 dans le Saint Empire, au cœur d’une famille de classe moyenne dont le père, Fidel Winterhalter, était à la fois vendeur ambulant d’horloges, résinier, cultivateur ainsi que tonnelier. Sa fratrie était composée de neuf enfants dont seuls quatre sont parvenus à l’âge adulte. Hermann Winterhalter est son seul frère dont le nom nous est parvenu. Et pour cause, ils ont travaillé à de multiples reprises ensemble car lui aussi était peintre.
L’entrée de Xavier dans le monde de l’art se fit dès le plus jeune âge. En 1823 à l’âge de 18 ans, il obtient une bourse, offerte par le grand-duc Louis Ier de Bade, lui permettant de réaliser des études de peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Munich. Par la suite, en 1828, il devient maître de dessin de la duchesse Sophie de Bade à Karlsruhe. Celui-ci continue son ascension en devenant le peintre officiel de la cour du nouveau grand-duc de Bade, Léopold Ier, en 1830. Ce dernier lui octroie une bourse lui permettant de se rendre en Italie. Il y passa deux années (1832 à 1834) durant lesquelles il s’attela à apprendre des grands maîtres italiens en réalisant des copies.
À la suite de cela il prit la décision de s’installer à Paris. Winterhalter parvint à se faire une place dans la haute société parisienne grâce à deux toiles, Il dolce farniente et Le décameron, respectivement présentées aux Salons de 1836 et 1837. Au cours de sa formation artiste, il réalisa de nombreuses commandes de portraits. Mais il s’agit de ses portraits de la famille Berthier qui lui valent réellement le lancement de sa carrière ainsi que ses premières commandes royales. Il devient peintre de cour sous Louis Philippe. Le roi le nomme également chevalier de la légion d’honneur en 1839.
Les années qui suivirent furent pleines de commandes dont les plus notables seraient celles passées par la reine Victoria à partir de 1842. Xavier Winterhalter fit un très long séjour en Angleterre au cours duquel il réalisa plus de cent vingt peintures. L’Europe entière le réclame et de ce fait, il voyage notamment en Espagne, Suisse et Belgique, où le flux de commandes ne diminue pas.
Par la suite, Louis Napoléon Bonaparte ainsi que l’impératrice Eugénie deviennent ses commanditaires phares. L’artiste réalise par exemple pour eux des portraits d’apparat sur lesquels la stature impériale est mise en évidence tel que sur le portrait de L’empereur Napoléon III, datant de 1855.
Il fera notamment un coup d’éclat avec son immense toile L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur, œuvre qui lui vaudra d’obtenir une médaille de première classe lors de l’Exposition Universelle de 1855. C’est d’ailleurs l’une des seules œuvres de l’artiste qui garde toujours une notoriété considérable à notre époque.
Jusqu’à la fin du Second Empire en 1870, il réalise un très grand nombre de portraits dont ceux, par exemple, de l’empereur François-Joseph d’Autriche et de l’impératrice Élisabeth d’Autriche en 1865. Après cela, il continue de peindre jusqu’à sa mort en 1873. Il s’éteint à Francfort et laisse derrière lui une fortune considérable. Il semble terminer sa vie sans fonder de famille.
Sa renommée évolue decrescendo et cela culmine avec un XXe siècle qui vient presque renier tous les artistes de sa veine. L’académisme est vu comme un art trop superficiel.
C’est grâce à l’exposition mise en place par la National Portrait Gallery de Londres en 1987 puis celles ayant eu lieu en France en 1988 et 2017, que son nom a finalement refait surface.
Son corpus artistique fait partie de ceux du XIXe siècle dont j’admire le plus la technique. On retrouve à la fois une individualisation des traits qui parvient à retranscrire l’identité du portraituré mais également une facture léchée qui tend presque à idéaliser le sujet.
Il reste indéniable que, dans les grandes lignes, son œuvre reste constante au cours de sa carrière. Mais je pense tout de même qu’il demeure un artiste dont les portraits réussissent à rendre évidente la profondeur de ses sujets. Son répertoire pictural est très vaste et pléthore de ses peintures peuvent illustrer ce propos. Cependant, les représentations de l’impératrice Eugénie sont pour moi les plus parlantes. L’expressivité du visage s’entremêle à la fois à un regard empli de quiétude et de bienveillance.
Je ne peux que terminer en mentionnant la délicatesse des tissus qu’il peint. Le modèle le plus représentatif serait sans nul doute la robe présente dans le portrait de La Princesse Pauline de Metternich. Il aurait été réalisé en 1860. Les différentes couches et les différents types de tissus qu’elle porte sont aisément distinguables du fait de la diversité du traitement et de nuances de la couleur blanche. Xavier Winterhalter parvient à faire honneur à une création du célèbre couturier du Second Empire : Charles Frederick Worth. Il créa également une robe qui fût mise en valeur par l’artiste dans son Portrait de l’impératrice d’Autriche Élisabeth de Wittelsbach en tenue de cour aux étoiles de diamants, réalisé en 1865. Il sut retranscrire la splendeur de la création haute couture.
Image : Xavier Winterhalter, La Princesse Kotschoubey, 1860.