L'Inde, pays chrétien ?

            Le sanctuaire de Lourdes, situé au cœur des Hautes-Pyrénées, compte une moyenne d’environ 30 000 visiteurs hebdomadaire. La diversité ethnique et raciale observable au sein des publics illustre de manière évidente l’omniprésence et l’importance du christianisme dans le monde. En observant les visages, les tenues et en tendant l’oreille, il est d’ailleurs intéressant de constater une profusion de visiteurs venus d’Asie du Sud-Est, et plus précisément d’Inde. Prendre cette réalité en considération permet de faire resurgir, sur un plan tout à fait contemporain, les liens étroits qu’entretien ce territoire avec la foi chrétienne.  

 

            Le christianisme est une religion tout à fait minoritaire en Inde, ne correspondant en 2023 qu’à 4,81% de la population, selon les statistiques de l’ACN – Aid to the Church in Need. Présente de manière disparate dans le pays, une certaine concentration religieuse est toutefois implantée dans l’État du Kerala, berceau chrétien de l’Inde. L’introduction de cette dévotion remonte vers 52 après J.-C. et c’est Saint Thomas, l’un des douze apôtres de Jésus-Christ, qui entreprend cette évangélisation. À son initiative, plusieurs communautés chrétiennes voient le jour et perdurent encore de nos jours, regroupées sous le nom de « Chrétiens de Saint-Thomas ».

 

            Grâce à cette cohésion communautaire, la foi chrétienne est parvenue à durablement s’implanter en Inde, avant de prendre une toute nouvelle dimension à l’arrivée des colons européens au XVIe siècle. De cette période, ressort la figure de Saint François Xavier, important missionnaire espagnol unanimement reconnu pour avoir cofondé la Compagnie de Jésus, connue sous le nom de « Jésuites », aux côtés de Saint Ignace de Loyola. Surnommé « Apôtre des Indes », il a passé une dizaine d’années à évangéliser l’Asie avant d’être inhumé à Goa, en Inde. C’est finalement la présence britannique sur le territoire qui contribue à l’implantation du protestantisme au XIXe siècle dans le pays.

 

            De nos jours, malgré une présence certaine au sein de la société indienne, le christianisme (aux côtés de l’Islam) est confronté à une montée palpable des oppressions de la part de populations hindous, représentants la majorité religieuse en Inde. Les tensions interreligieuses se sont notamment multipliées au moment de l’ascension au pouvoir du Bharatiya Janata Party (BJP) en 2014, parti d’extrême droite nationaliste hindou. Leur objectif est de promouvoir l’hindutva, l’hindouïté, concept politique plaçant les hindous au centre du pays. Ainsi, toutes les autres minorités religieuses se voient vouées à disparaître progressivement.

           Cette volonté d’oppression prend plusieurs formes, aussi bien physiques, verbales, économiques que législatives. Cependant, la dévotion religieuse ne semble pas s’y amoindrir, grâce à une importante cohésion communautaire permettant notamment aux chrétiens de conserver une place cruciale dans des secteurs essentiels à la société tels que l’éducation et la santé. Sur le sol Indien, certaines régions restent d’importants lieux de dévotion tels que Bangalore, ville surnommée « Rome de l’Est » selon les Missions Étrangères. C’est bien cette même résistance pacifique qui permet de comprendre l’omniprésence de tous ces pèlerins d’Asie du Sud-Est au Sanctuaire de Lourdes à plus de 7000 km. Cette foi séculaire est ancrée et traverse les siècles. C’est un témoignage passif de leur détermination à garder vivant le christianisme en Inde, malgré les brimades


Pour aller plus loin :

  • CLÉMENTIN-OJHA, C., Indemnisation et enracinement : les enjeux de l’“inculturation” de l’Église en Inde, dans Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, tome 80, 1993, pp. 107-133.

  • CLÉMENTIN-OJHA, C., Les chrétiens de l’Inde : entre castes et églises, Albin Michel, Paris, 2008.

  • VAN SLAGEREN, J., Les chrétiens de saint Thomas, Karthala, Paris, 2013.

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